14h10 : Je sors du bureau de Madirlo et je suis en retard. Je fais rentrer les élèves rapidement en classe et les mets au travail. La première partie de l'après-midi se passe à peu près dans de bonnes conditions. Mo est en classe mais il reste gérable. Je cornaque Zozo pour qu'il sorte ses affaires et copie sa leçon en même temps que les autres... ou à peu près. J'arrive à enfin faire le premier cour d'histoire de l'année, sans cesse reporté par manque de temps !
Mo, que je reprends parce qu'il compulse son classeur personnel de cartes à jouer me répond "Oui, oui, attends ! Je regarde juste un truc..."
Oui, mais bon, justement, je ne suis pas disposée à attendre ! J'insiste (c'est bête, hein, comme je peux être têtue quelques fois !) et il finit par s'exécuter en m'insultant dans sa barbe, mais suffisamment fort pour que je l'entende.
Vaille que vaille, on va jusqu'à la recréation. Pas de chance : il pleut à verse !
Que je t'explique, Ami Lecteur : quand il pleut trop fort, on ne peut pas faire sortir les enfants. Ils ont donc leur récréation dans le hall. Ils ont moins de place, et le bruit devient juste intolérable. Lorsqu'on les récupère après une telle récréation, la tension est palpable. Imagine quand il s'agit de la dernière récréation du dernier jour de la semaine ! Misère...
15h10, Mo attrape en passant un décor en carton réalisé pour la fête de l'école de juin dernier et... le déchire, sans faire exprès. Passons.
15h20, l'enseignante de CM2 attrape Sa avant qu'elle ne se jette sur Zozo pour le pulvériser : il l'a frappée dans le dos sans raison et à présent, elle est hors d'elle. Il faut cinq bonnes minutes pour que la jeune femme parvienne à la calmer. A l'issue de quoi, Sa vient me voir, à nouveau maîtresse d'elle-même et m'explique son problème. Je choppe Zozo et le colle sur une chaise.
A cet instant, la pluie baisse d'intensité : Tout le monde dehors pour prendre l'air quelques instants !
Dans la précipitation, Ad bouscule Mimi. Elle le pousse à son tour. Il lui donne une claque. Elle lui saute dessus et lui arrache son T-shirt, déchiré de haut en bas. Je ceinture Ad avant qu'il lui explique sa façon de penser et l'isole pour qu'il ait le temps de se calmer.
15h30, sur la cour, les CE2 attendent, plus ou moins rangés. Mimi pleure bruyamment. Je ne m'occupe pas d'elle : la classe est survoltée et commente l'événement à tout va ; je veux traiter cette situation avec toute le groupe. Nous avançons et j'entends dans mon dos Mo qui agit comme à son habitude en caïd des bas-fonds : "La prochaine fois, tu lui fous un coup de pieds dans la b*te, faut que ça saigne et..."
Il n'a pas le temps d'achever : je l'attrape par le col, reste en arrière avec lui et lui dis ma façon de penser. Il nie tout en bloc. C'est une habitude.
15h35, nous sommes en classe. Je parle aux enfants. J'explique ce qui s'est passé. J'indique que, bien évidemment, les parents seront mis au courant de ce qui s'est passé et que Mimi devra remplacer le T-shirt acheté par la mère d'Ad, qui ne lui a rien fait, à Mimi, non ?
J'évoque une nouvelle fois de la spirale de la violence, fais remarquer à Mar qu'on a ici un exemple type de ce dont on a parlé ensemble à 12h45... et fait un discours plein de fougue et de conviction sur la classe que nous devons construire, une classe de paix, de bienveillance, où il fait bon se retrouver, où on s'entraide, où on ne se moque pas... Mais que ça, on n'y arrive pas grâce à la maîtresse qui surveille bien, mais grâce aux enfants qui agissent ensemble dans ce sens.
Silence impressionné (j'aime à le penser).
15h50, je fais copier les devoirs pour la semaine suivante et préparer les cartables, comme au CP, avec la pile du matériel sur chaque table. On n'aura le temps de rien faire d'autre avant 16h15 !!!
Zozo ne sort pas son agenda. Zozo ne copie pas. Il sait qu'il ne quittera pas la classe tant qu'il n'aura pas obéi : il faut absolument qu'il comprenne qu'il ne sera pas le plus fort ici ! Il tente néanmoins de faire son sac en douce, laissant l'agenda dans sa case.
16h20 : Je vérifie à temps et constate qu'à aucun moment depuis la rentrée, Zozo n'a noté le travail donné à la bonne date ! Je le mets à la bonne page et le mets au travail tout en faisant sortir les autres. C'est le moment que choisit une ancienne mère d'élève pour venir me parler de sa fille, des affaires qu'elle voudrait récupérer, de la nouvelle maîtresse qui est tellement moins bien. "Mais là, je vous dérange, hein ?" Bah, oui, en fait !
Il faut absolument que je chope Madirlo pour lui parler d'Ad et son T-shirt, et surtout de Mo, qui n'est encore au courant de rien.
J'arrive à l'arracher aux quelques parents papoteurs (il y a réunion de rentrée pour les dernières classes ce soir). Elle me dit que la mère de Mo sait qu'elle doit le chercher elle-même ce soir et qu'on a à lui parler...
16h40, arrive le père de Mimi à qui j'explique l'affaire. Il est d'accord pour remplacer le vêtement et parler avec sa fille. Il me confie qu'ils ont déjà rencontré ce type de problème avec elle...
17h00, arrive la mère d'Ad. Rebelote. Elle est soulagée de savoir que ce n'est pas lui qui a initié la bagarre (euh... ouaih, si on veut). Je lui explique le coup des tors partagés - quand même - mais ne manque pas d'encourager son fils qui est très attachant et en profite pour toucher un mot des difficultés de lecture et d'écriture qu'il semble rencontrer : l'orthophonie, ce serait bien qu'il continue cette année...
17h45, je téléphone à Monfiston pour lui demander d'aller chercher sa soeur à l'école : vu comme ça s'annonce, je ne pense pas être à la maison avant... 18h30 ?
18h00, c'est la grand'mère de Zozo qui vient le chercher. Elle constate en vérifiant ses affaires (elle le connaît) que les devoirs ne sont pas notés pour la semaine prochain : AAARRRGGGHHH ! Je dois courir à droite à gauche pour trouver l'agenda de référence, copier ce qui manque vite fait tout en écoutant la mère-grand qui raconte sa vie et s'inquiète de son petit-fils (bah tiens !). Entre temps, la mère de Mo est arrivée à son tour et Madirlo lui parle en aparté pendant que son fils attend qu'on l'appelle.
18h10 : J'arrive à me libérer de la famille Zozo et rejoints Madirlo dans son bureau, avec Mo.
Elle dit à l'enfant qu'à partir de ce soir, il ne fait plus partie de Notrécole, parce que nous n'avons pas réussi à l'aider, qu'il a franchi trop de limites et que son contrat est resté sans effet. La mère pleure. Je la réconforte comme je peux, lui tends des mouchoirs pendant que Madirlo essaye d'expliquer à Mo qu'il a une bonne mère, qui s'occupe bien de lui. Qu'elle va être aidée par quelqu'un pour trouver un endroit où on saura le faire grandir dans le bon sens. Et qu'il faut qu'il saisisse sa chance dans ce nouvel endroit.
18h30, Madirlo me demande de faire la surveillance "à la porte bleue" pour l'aider : la personne dont c'est la charge habituelle est malade. Pendant notre rendez-vous, c'est une surveillante d'étude qui a opéré, mais elle devrait être partie depuis 30 min. OK. De toutes les façons, mes enfants se débrouillent à la maison... et ce soir dans Notrécole, c'est réunion de rentrée, je te rappelle... des élèves circulent encore, attendant leurs parents qui s'informent auprès des enseignantes.
19h00, les derniers s'en vont. Je téléphone à Mamoitié pour la tenir au courant des dernières nouvelles du front. Au fait, lundi, on a notre grande réunion de fin de RECHERCHE-ACTION sur le dire-lire-écrire et on ne s'est pas réparti les slides du diaporama ! Hop, voilà qui est fait !
19h30, on tape un bout de discute avec Madirlo et les deux instit. qui sortent de réunion... Oups ! Qu'il est tard !
19h45, j'arrive chez moi... euh... j'ai comme un coup de barre, là !
10 commentaires:
Fatigant rien qu'à te lire... Quel courage !
(tu as écrit 18 h45 au lieu de 17 h45)
J'allais écrire la même chose que Vidoc !
Heureusement que tu as fait trois morceaux de ta journée sinon je n'aurais pas tenu le coup !
Tu es sûre que c'était une journée ordinaire ?
Allez je te souhaite de vraies journées ordinaires pour la semaine prochaine.
En tout cas, après avoir lu ça : j'arrête de me plaindre parce que même mes journées de classe catastrophiques, c'est le paradis en comparaison de ta journée !!!
Punaiiiiise...
Mais comment tu fais ???
Tu te dopes, spa possib' !
Pour Mo, bah... au moins vous aurez, vous, à votre niveau, fait le maximum de ce qui était possible chez vous. Il faut de toutes façons protéger les autres enfants de la classe de ces brimades et de son influence.
Même s'il est très dur (et frustrant) de se dire qu'on aurait voulu faire plus, avancer au moins un peu, parfois ce n'est pas possible.
Allez, il te faut de l'énergie pour tous les autres ! Et pour ta famille et toi-même, aussi, hein, ne te néglige pas !!!
(pfiouuu lalalala, je ne t'échange pas mon lécheur de pieds de tableaux contre quelques uns des tiens, ah nan nan nan, n'insite pas !)
Je compatis et j'admire !
Mais comment fais-tu pour tenir le coup ? Je comprends que dans ces conditions, un mi-temps soit amplement suffisant ;) !
Je suis très admirative, le travail que tu fais auprès de ces enfants est remarquable même s'il doit être frustrant parfois quand on n'y arrive pas, comme dans le cas de Mo.
Bon courage pour la semaine prochaine, et je te la souhaite un peu plus calme tout de même !
> Vidoc
Merci, j'ai corrigé !
> Naternelle
...je peux te l'avouer, maintenant : ça n'était pas une journée ordinaire, vu que je ne perds pas un élève chaque vendredi soir ! Mais bon, c'est souvent assez sportif, cette année !
> Mimi
Je ne me dope qu'au chocolat à haut dose que je fais passer avec une bonne rasade de Coca !
...ET je suis à mi-temps...
Merci pour tes encouragements : cette année, j'en ai besoin !
> Citronelle
Merci.
Je fais ce que je peux, mais je peux peu ! ;o)
> Loulou
Oui, moi aussi j'ai espoir que la semaine à venir soit un peu plus calme. En tous cas, ceux qui restent, j'ai à peu près le mode d'emploi, ce qui n'était pas le cas de Mo. Je sais que ça sera dur, mais je pense qu'on va pouvoir avancer ensemble... !
Whaou !! dis donc, quelle énergie quelle patience, quelle "foi"...!!
Comme les autres, j'étais fatiguée également à la fin de tes trois billets...!
En tout cas, c'est très intéressant de découvrir ton quotidien lorsque l'on n'est pas du métier.
Pour la sortie, je n'ai aucune idée mais un stage de zentitude serait pas mal non ???!!
> Gaëlle
Merci. J'espère que ça n'est pas TROP terrifiant, vu de l'extérieur...
Un stage de zentitude, ça me va ! :o)
Et comment était ton we après ça? J'hallucine total! Je crois qu'il y a des gens dans ce bas monde qui ne se rendent pas bien compte du dévouement, savoir-faire, patience, compréhension, de quelques uns de nos congénères qui s'occupe de nos chères têtes blondes.
Allez une tournée de chocolat pour moi!
Anoche
Eh bien - quoi dire - chapeau bas - je suis admirative...
Je sais que c'est un peu loin tout ça mais je me souviens encore du calvaire avec belle-maman pas sympa de la petite fille qui avait peur d'elle - cela fait longtemps que je ne suis pas venu te voir mais as-tu des nouvelles ?
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