Ami Lecteur, à la demande générale, me revoici pour te raconter mes aventures scolaires.
Tu sais que je suis à présent dans une école plus ordinaire, en bordure de la Grande Ville, en maternelle.
EN MATERNELLE !!!
Je relis mon blog de fond en comble en ce moment, et plus d'une fois je suis tombée sur un article disant allègrement que, pour rien au monde, je ne serais enseignante en maternelle.
Et bien j'y suis, et j'y suis bien !
C'est un univers formidable,
humainement et intellectuellement.
Je sais, tu vas me dire : humainement, je vois bien, les p'tits doudoux, les p'tites choupettes, c'est tellement meugnon ! Mais intellectuellement ? Gnnn ?
Je t'explique : Humainement, c'est très fort parce que les enfants, à 4 ans, ça ne calcule pas. Ils sont traversés par des émotions qu'ils ne savent pas encore camoufler ou brider. C'est assez impressionnant. Et ils sont d'une confiance absolue. C'est fou ! Et c'est bon ! Chaque matin, le miracle se renouvelle. Ils peuvent être pénibles, chipoteurs, chouineurs, gêneurs, bousculeurs voire em*erdeurs (si peu...), n'empêche : ils sont confiants et avides de savoir ce qu'on va leur proposer.
Et intellectuellement ? C'est pas que j'ai des conversations de ouf avec les lardons. C'est sûr qu'ils n'ont pas un vocabulaire ni une culture bien étendus (on y travaille, on y travaille !). Quand je dis que c'est formidable intellectuellement, c'est que la maternelle, c'est la base de toute la suite ! Et ça, pour un enseignant, c'est fabuleux : penser les apprentissages pour construire solidement l'entrée dans la langue, les mathématiques, l'art, les sciences... c'est passionnant !
Bon, ça c'est mon intro.
Venons-en aux faits :
my little mouse !
L'autre matin, j'ai regroupé la classe devant moi pour organiser la journée. C'est ce qu'on appelle un temps de regroupement (!). Après un certain nombre de rituels, j'ai annoncé la séance de motricité (NDLR : c'est comme ça qu'on appelle le sport en maternelle). Et nous avons ensuite rappelé comment on devait se déplacer dans l'escalier et les couloirs.
Ils ont tous levé la main :
-
On doit pas courir !
- Ouiiii, en effet, on se déplace calmement.
-
On doit pas crier !
- Ouiiii, en effet, on se déplace bouche fermée.
-
On doit pas s'arrêter devant la porte des Petits pour regarder !
- Ouiiii, en effet, on ne dérange pas la classe des Petits.
-
On doit pas embêter les autres !
- Ouiiii, en effet...
-
On doit pas faire des grimaces !
- Ouiiii...
-
On doit pas tirer les cheveux !
- Oui.
-
On doit pas....
- Hop hop hop ! Ai-je fait, tel Ben-Hur sur son char emballé, on va arrêter de dire ce qu'on ne doit pas faire, sinon on en a pour la journée entière et on peut dire n'importe quoi. Dites-moi plutôt ce qu'on DOIT faire, de la classe jusqu'à la salle de motricité : comment doit-on se tenir ?
Et là, Philou lève la main. Philou, c'est une toute petite souris. Toute fluette. Toute mignonnette. Toute rikiki. Qui est toujours la dernière dans le couloir et qui a un peu de mal à grandir.
Elle lève la main. Super !
- Oui, Philou ? dis-je pleine d'espoir.
- On ne doit pas manger ses crottes de nez !
- Ah, non, Philou, là tu dis une bêtise ! Je viens de demander qu'on explique ce qu'il FAUT faire !
Oups ! J'aurais dû tourner ma langue dans ma bouche : voilà Philou qui devient toute rouge de honte, se recroqueville, se détourne et, petit escargot dans sa coquille, se met à pleurer discrètement.
J'ai pris le temps de dire que ça n'était pas grave, qu'elle n'avait pas entendu... Je me suis dit in peto que ça n'était pas grave, qu'elle n'avait pas écouté.
Mais j'ai un petit goût de fiel dans la bouche : on ne devrait jamais faire honte à un élève qui essaye. C'est en tout cas comme ça que je me suis bâtie enseignante.
Mmmm...
Allez, c'est pas grave.
Et c'est vite oublié.
N'empêche !
:o/
J'apprends.