Rechercher dans ce blog

mercredi 25 février 2009

Il était une fois...


J'ai dans ma classe une petite fille dont la vie est la réplique exacte du conte de fée classique. Chouette, me diras-tu, ami lecteur : comme cette enfant a de la chance. Certes. Si ce n'est qu'elle n'est pas encore rendue à la fin de l'histoire, quand le prince charmant vient la sauver et l'emmène vers un destin merveilleux.

Elle n'en est qu'au début du récit... et nous sommes obligés de faire confiance aux écrits ancestraux pour imaginer que sa vie prendra un tour plus doux l'âge adulte arrivant...


Écoute son histoire, ami lecteur :

Cette fillette naît dans une famille sans histoires, dans un quartier aisé de la ville. Elle est désirée, aimée... mais sa mère meurt lorsqu'elle est encore toute petite.

Le père se remarie avec une belle femme, bien éduquée, bonne famille, des manières et de l'entregent...

Aussitôt, elle prend en mains l'éducation de sa belle-fille, se fait appeler Maman, se charge de suivre sa scolarité et le tout venant de la vie quotidienne. Rien que de très normal, me diras-tu. Attends la suite.

Cette enfant nous arrive en CM1, en internat. C'est plutôt surprenant pour une famille de ce genre de quartier. D'autant que la Choupette en question n'a aucun problème d'apprentissage. Au contraire : elle passe son temps à lire, y compris sur le temps de classe, discrètement pendant les cours et parvient néanmoins à obtenir d'excellents résultats.

Motifs de l'inscription : Choupette ne se lie avec personne... selon la belle-mère, elle est limite asociale. Les rendez-vous s'enchaînant au fil des mois qui passent, en CM1 puis en CM2, on se rend vite compte que ça cloche sévère dans cette famille-là :

Le vendredi soir, lorsque la marâtre vient chercher Choupette, pas un mot de retrouvailles, à peine un baiser sur le sommet du crâne, du bout des lèvres, et aussitôt les reproches : Elle est mal coiffée ! Elle est sale ! A-t-elle joué avec des amis ? Dès qu'elle le peut, la dame s'immisce dans la classe pour fouiller la case, critiquer ce qui y est, la façon dont c'est rangé...

Lorsqu'elle rencontre les enseignantes ou la directrice, elle explique posément que sa "fille" est manipulatrice et qu'elle ment ; puis elle raconte des anecdotes, interprète des attitudes, l'air de rien, juste pour informer, pour qu'on soit au courant, pour qu'on ne se laisse pas embobiner, nous aussi...

Le père est toujours présent aux rencontres. Il est effacé : c'est sa femme qui gère. C'est une affaire de femme. Il a toute confiance... Un vrai conte, je vous dis ! Dans toute son horreur !

Les enseignantes ont droit régulièrement dans le cahier de correspondance à des romans fleuves de la belle-mère visant à leur expliquer comment elles doivent s'y prendre avec Choupette et quelles sont les mesures qu'elle met en oeuvre, elle, pour tenter de la mettre sur le droit chemin. Une diarrhée verbale, pleine de fiel et de rancoeur...

La psychologue de l'école rencontre les parents : la femme commence par dire tout le mal qu'elle pense de Choupette ; sans accroc ; des mots choisis, des phrases bien construites, pleines de sous-entendus... Ça dure une demi-heure avant que la psy lui fasse remarquer que dans le portrait dressé, il n'y a que du négatif. La marâtre est furieuse : elle est venue pour qu'on lui rapporte ce que Choupette a dit ici, a révélé, a expliqué... Lire en douce son carnet intime (de son propre aveux) ne lui suffit plus... le refus de la psy l'exaspère. Au point que le père, pour une fois, intervient et temporise...

Quelques anecdotes, pour que tu saisisses mieux, ami lecteur : lorsque Choupette, victime d'énurésie, mouille son lit le week-end, sa gentille mère lui met des culottes en moins dans son bagage d'internat, en représailles. Au point qu'un jour, elle n'en a qu'une seule pour la semaine !

Dans le livret d'évaluation de chaque trimestre, une page est dédiée à une coévaluation enseignantes/élève à propos du comportement face à la classe et face au travail. Les enseignantes évaluent quasi toutes les compétences de Choupette au beau fixe. Elle non : elle sait que sa belle-mère remettra en cause sa façon de voir et se dévalue en conséquence, à l'avance.

Une fois, nous avons mis dans le cahier de correspondance une lettre à l'ensemble des parents pour les informer que le climat de classe se dégradait et que des mesures seraient prises pour recadrer le groupe. Choupette s'est mise à pleurer, paniquée, disant qu'elle allait se faire punir sévèrement par sa "mère". Nous l'avons rassurée, lui disant qu'évidemment ce message ne la concernait en aucun cas : jamais aucun rappel à l'ordre ne lui avait été fait sur son comportement depuis son arrivée dans l'établissement et ses résultats étaient exemplaires. Impossible de la calmer. La directrice appelle sa belle-mère pour lui expliquer la situation et lui signifier son inquiétude face à la réaction disproportionnée de la fillette. Réponse de la belle-mère : elle affabule, elle manipule, elle théâtralise et nous nous faisons avoir...

Le soir-même, lorsqu'elle vient la chercher, elle fait un scandale, l'oblige à dire tout haut "oui, Maman, je suis une manipulatrice" puis explique par A+B en quoi le mot des enseignantes concerne sa fille, puisqu'évidemment son attitude est déplorable...

Je pourrais multiplier les histoires de cette sorte. Peut-être retranscrirai-je ici un jour un des mots délirant dont nous sommes assommées régulièrement...

Face à ce type de cas, de maltraitance larvée aux contours flous, nous sommes démunies : faire le signalement d'une famille aussi "lisse", aussi "propre", dont la violence passe exclusivement par les mots est chose difficile. C'est prendre le risque d'aggraver la situation sans la certitude que les services sociaux bougeront : il n'y a pas de violence physique...

Triste affaire. Vivement que Choupette grandisse. Qu'elle puisse dire à son père ce qu'elle a sur le coeur avant de claquer la porte une bonne fois.

- Soupir d'impuissance - J'aimerais croire aux bonnes fées, cette année...

I'm back !


Bonjour à tous, amis lecteurs !

Me voici de retour d'Espagne, où j'ai passé cinq jours formidables !

Entre jamon, churros, tapas et autres spécialités locales, accompagnés d'une tempête de ciel bleu, nous avons visité Salamanque et ses environs : une vraie splendeur !

Se remplir les yeux avec du beau, c'est important, avant de replonger dans la misère du monde...

Yep !

lundi 16 février 2009

Dictée...

Pour toi, ami lecteur, amateur des dictées de Pivot...

Bonnes vacances à ceux qui en ont... (...euh... je parle des vacances là ! Pas de vulgarité, ami lecteur, je te prie...!).

mercredi 11 février 2009

Askident !


Salut à toi, ami lecteur ! Viens donc par ici, que je te raconte une anecdote qui me fait invariablement jubiler intérieurement lorsque je me la remémore ; ce que je ne manque pas de faire au moins une fois l'an, histoire de maintenir en bonne forme mes zygomatiques mentaux :

Une année, je suis partie skier avec un groupe d'amis. Comme dans tout séjour de glisse qui se respecte nous eûmes droit à quelques magnifiques gamelles... dont une qui se termina moins bien que les autres, puisque la victime se démit l'épaule et dut interrompre ses acrobaties précocement, le bras droit bandé serré contre le torse.

Or il se trouve que la dite victime était institutrice de son état... en maternelle (tu en concluras, fidèle lecteur, qu'il ne s'agit donc pas de moi et que je ne me suis pas mise soudainement à parler de mezic à la troisième personne...).

Les vacances terminées, elle rentra chez elle pour entamer un séjour maladie, laissant sa classe de petite section aux bons soins d'une suppléante inconnue. Comme elle aimait ses élèves et qu'elle était soucieuse de savoir comment sa remplaçante s'en sortait, elle alla néanmoins leur rendre visite, son bras toujours maintenu immobile. Elle s'était vêtue comme elle avait pu étant donné l'inconfort du bandage, une chemise enfilée, fermée devant, le bras gauche dans la manche idoine, l'autre manche vide et la main droite sortant entre deux boutons... tu visualises, ami lecteur ? C'est important pour la suite...

Aussitôt arrivée, elle se trouva environnée de charmants bambins, s'accrochant à ses jupes et interrogeant à tout va leur enseignante sur la cause de son absence. Elle expliqua au mieux qu'elle avait eu un accident de ski, mais que ce n'était pas grave et qu'elle reviendrait s'occuper d'eux aussitôt que possible.

...

Quelques temps plus tard, elle eut un appel de son chef d'établissement : quelques parents étaient venus aux nouvelles, un peu inquiets sur l'état de santé de la maîtresse de PS... leur enfants leur avaient raconté - les chers anges - que :

"La maîtresse a eu un askident et maint'nant, elle a la main qui sort du ventre !!!"

...

J'adore les maternelles !

mardi 3 février 2009

Pour le 100ème post... à méditer !


Ma belle-fille m'a envoyé ça aujourd'hui. J'ai apprécié et donc, je te transmets à toi, ami lecteur. Tu commences à me connaître : je suis partageuse de bons moments ! Voici donc :

"Un musicien de rue était debout dans l'entrée d'une station du métro de Washington DC. Il a commencé à jouer du violon. C'était un matin froid, en janvier dernier. Il a joué durant quarante-cinq minutes. Pour commencer, du Bach, puis l'Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et de nouveau Bach. A cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur boulot.

Après trois minutes, un homme d'âge mûr a remarqué qu'un musicienjouait. Il a ralenti son pas, s'est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant. Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : en continuant droit devant, une femme lui a jeté l'argent dans son petitpot. Quelques minutes plus tard, un quidam s'est appuyé sur le mur d'en face pour l'écouter mais il a regardé sa montre et a recommencé à marcher. Il était clairement en retard.

Celui qui a marqué le plus d'attention fut un petit garçon qui devaitavoir trois ans. Sa mère l'a tiré, pressé mais l'enfant s'est arrêté pour regarder levioloniste. Finalement sa mère l'a secoué et agrippé brutalement afin que l'enfant reprenne le pas. Toutefois, en marchant, il a gardé sa tête tournée vers le musicien. Cette scène s'est répétée plusieurs fois avec d'autres enfants. Et les parents, sans exception, les ont forcés à bouger.

Durant les trois quarts d'heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l'écouter un temps. Une vingtaine environ lui a donné de l'argent tout en en continuant leur marche. Il a récolté 32 dollars. Quand il a eu fini de jouer, personne ne l'a remarqué. Personne n'a applaudi. Une seule personne l'a reconnu, sur plus de mille personnes.

Personne ne se doutait que ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens sur terre. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius de 1713 valant 3,5 millions de dollars ! Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation au théâtre de Boston était « sold out » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.

C'est une histoire vraie. Joshua Bell jouant incognito dans une station de métro a été organisé par le « Washington Post » dans le cadre d'une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d'action des gens. Les questions étaient : dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l'apprécier ?Pouvons-nous reconnaître le talent dans un contexte inattendu ?

Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : si nous n'avons pas le temps pour nous arrêter et écouter l'un des meilleurs musiciens au monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de combien d'autres choses exceptionnelles passons-nous ?"

dimanche 1 février 2009

Noir c'est noir !


Not'Dirlo alors que nous parlions de la conception que nous avions des sanctions dans notre école (sanction / punition, grand débat ami lecteur, qui mène bien plus loin que tu ne pourrais l'imaginer ! Peut-être un jour m'étendrai-je plus avant sur la question) m'a rapporté vendredi une conversation touchante avec un 'tit gars de CE1.
Je transcrits d'après mes souvenirs :

"Moi, j'aime cette école : chuis bien ici, dit le 'tit gars à brûle pourpoint !
- Ah bon ? Et pourquoi tu es bien ici, s'enquière Not'Dirlo, toujours intéressée par ce que les élèves ont à dire ?
- Parce que dans mon école d'avant, j'étais toujours dans le noir.
- Dans le noir ? C'est quoi ça ? Tu m'expliques, rétorque son interlocutrice, un peu larguée ?
Elle passe sans doute rapidement en revue les expressions qu'elle connaît :
* Broyer du noir... possible !
* Être noir... trop jeune...
* Être dans le rouge... pas lui, ses parents peut-être.
* ???
- Et bah, dans mon école d'avant, y'avait quatre couleurs : le rose, le vert, le gris et le noir. Moi, j'ai été qu'une fois dans le rose. Sinon, j'étais tout l'temps dans l'noir. Et quand on est dans l'noir, faut aller voir le Directeur. Moi, j'l'aime pas, le Directeur.

Not'Dirlo, elle le connaît, ce directeur là. Alors elle poursuit, histoire de faire avancer le schmilblik :
- Ah... Moi, j'ai déjà travaillé avec lui tu sais. Et j'ai trouvé que dans le travail qu'on a fait ensemble, il était très bien : sérieux, intéressant, efficace...

L'autre ne se laisse pas démonter :
- Ouaih. Mais moi, j'l'aime pas. Avec lui, j'étais tout l'temps dans l'noir. Ici, jamais. C'est pour ça que ch'u bien ici.

Et bien moi, je trouve que cette petite conversation illustre bien l'esprit de notre école... une école où les enfants ne sont jamais dans le noir. A inscrire en lettres d'or sur le fronton de l'entrée !