Rechercher dans ce blog

dimanche 18 octobre 2015

Dernières nouvelles du front !

YOUHOOUUUUUU !
Y'a quelqu'un par ici ?

Ah, oui, toi là-bas, qui passe par hasard, viens donc prendre les dernières nouvelles du front !
Ami Lecteur, laisse-moi t'appeler ainsi, malgré les semaines de silence qui t'ont laissé penser que je t'avais oublié.
Ami Lecteur, donc, si tu ne le sais pas encore, mon école ferme ses portes en juin 2016.
Oui, là, en juin.

Mon école et son internat.
Cet internat, seul dans son genre de ma Grande Ville.
Celui qui permettait ce projet unique de mixité sociale.
Qui existait depuis des décennies.
Qui passait à la télé : Voyez comme à Saint Truc, ils ont su trouver le moyen de faire vivre tout le monde ensemble et que chacun y trouve l'occasion exceptionnelle d'un enrichissement optimum de la personne !

Pourquoi ça ferme ? 
Ça avait l'air si bien ? Et ce grand jardin planté d'arbres fruitiers, au coeur de la Grande Ville, c'était tellement parfait pour les enfants !
Tu as oublié ?
Et bien parce que les Sœurs, propriétaires du terrain et des locaux, fondatrices du projet, tutelles de l'établissement.. les Sœurs sont vieilles. Elles ont besoin de sous. Alors elles vendent !
Plus de 10.000.000 d'Euros, quand même, pour 1.600 m2 dans la Grande Ville plus du terrain.
Forcément, ça donne à penser !

Et nous, Keskondvient ?
Oh, et bien l'école fusionne avec une autre école du quartier. 
Aucune classe ne ferme.
Les locaux sont rebâtis, restaurés, en partie grâce à l'âme des Sœurs, qu'elles ont rachetée pour 1.5 million d'Euros (quand même !).

Tout le monde est content alors ?
Bah nan.
Les parents de l'autre école ont peur : on est si bizarres avec nos idées d'accueillir tout le monde, de faire du travail personnalisé, d'intégrer des handicapés, de vouloir faire de l'apprentissage un plaisir... on va sûrement contaminer leurs chers petits !
Les parents de notre école ont peur : les autres, ils sont si bizarres, si coincés, si strictes, si... le contraire de nous, que justement ils avaient choisi de ne pas inscrire leur enfant là, pour ne pas l’abîmer...
L'internat disparaît corps et âme, et ça, ça fait mal mal mal. Sans internat, le projet n'existe plus et la nouvelle école sera un établissement de quartier. D'un arrondissement très favorisé, rempli d'enfants jolis et sympathiques, mais un peu tous de la même couleur, de la même  religion, de la même expérience de vie. Gentils, note-bien. Propres et bien élevés. 
Ça pourrait être reposant. 
Mais bon.

Et puis...
On vient de l'apprendre...
L'an prochain, c'est pas Madirlo qui prendra la tête des troupes.
Elle n'a pas été désignée.
C'est l'Autre.
...
Et ça, ça ne passe pas.

Du tout.

Dans le hall de Monécole, les mamans sont en pleurs. Et pas qu'un peu.
Les papas sont blancs, de colère, de déception, de rancœur.
Ils le savent bien, tous, que sans Madirlo, le nouvel établissement ne va pas bouleverser ses façons de faire actuelles.
Qu'il ne va pas se saisir du travail personnalisé avec toute la foi qui nous anime.
Qu'il ne va pas changer sa conception du travail, de l'évaluation, du bien-être de l'élève, de l'acceptation de la différence, de l’hétérogénéité perçue comme une chance...
Que les pieux désirs de la Direction Diocésaine de l'Enseignement Catholique ne seront que lettre morte : un joli vernis qui va vite se craqueler... c'est si difficile de remettre en question ses pratiques professionnelles...

Et puis, si c'est l'Autre, que vont faire les enseignantes de Monécole ? Hein ?
C'est la première question que m'a posée la première maman croisée après que la nouvelle soit tombée, livide :
- Et vous, vous faites quoi l'an prochain ?
...
- Je regarde les postes qui se mettent au mouvement...
- Mais alors... tout le monde nous lâche !

Et oui.
Je sais que pour moi il est temps de partir.
Je sais que ça sera très dur de reconstruire ailleurs.
Je sais aussi ce qui m'attend : tous ces parents à qui je vais donner l'impression de les abandonner.
Et ça fait mal... mal... mal...

Respire...