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dimanche 26 septembre 2010

Héhé !

...Et mi-octobre, qu'est-ce qu'on a prévu de faire, avec cette classe d'adorables bambins ?
Histoire de les souder un peu ?
De développer un esprit de corps ?
De découvrir la solidarité dans l'épreuve ?
De forger une histoire commune ?
...Devine, Ami Lecteur !
Rien ne nous fait peur !
:o)

Chronique d'une journée ordinaire - fin

14h10 : Je sors du bureau de Madirlo et je suis en retard. Je fais rentrer les élèves rapidement en classe et les mets au travail. La première partie de l'après-midi se passe à peu près dans de bonnes conditions. Mo est en classe mais il reste gérable. Je cornaque Zozo pour qu'il sorte ses affaires et copie sa leçon en même temps que les autres... ou à peu près. J'arrive à enfin faire le premier cour d'histoire de l'année, sans cesse reporté par manque de temps !
Mo, que je reprends parce qu'il compulse son classeur personnel de cartes à jouer me répond "Oui, oui, attends ! Je regarde juste un truc..."
Oui, mais bon, justement, je ne suis pas disposée à attendre ! J'insiste (c'est bête, hein, comme je peux être têtue quelques fois !) et il finit par s'exécuter en m'insultant dans sa barbe, mais suffisamment fort pour que je l'entende.
Vaille que vaille, on va jusqu'à la recréation. Pas de chance : il pleut à verse !

Que je t'explique, Ami Lecteur : quand il pleut trop fort, on ne peut pas faire sortir les enfants. Ils ont donc leur récréation dans le hall. Ils ont moins de place, et le bruit devient juste intolérable. Lorsqu'on les récupère après une telle récréation, la tension est palpable. Imagine quand il s'agit de la dernière récréation du dernier jour de la semaine ! Misère...

15h10, Mo attrape en passant un décor en carton réalisé pour la fête de l'école de juin dernier et... le déchire, sans faire exprès. Passons.

15h20, l'enseignante de CM2 attrape Sa avant qu'elle ne se jette sur Zozo pour le pulvériser : il l'a frappée dans le dos sans raison et à présent, elle est hors d'elle. Il faut cinq bonnes minutes pour que la jeune femme parvienne à la calmer. A l'issue de quoi, Sa vient me voir, à nouveau maîtresse d'elle-même et m'explique son problème. Je choppe Zozo et le colle sur une chaise.
A cet instant, la pluie baisse d'intensité : Tout le monde dehors pour prendre l'air quelques instants !
Dans la précipitation, Ad bouscule Mimi. Elle le pousse à son tour. Il lui donne une claque. Elle lui saute dessus et lui arrache son T-shirt, déchiré de haut en bas. Je ceinture Ad avant qu'il lui explique sa façon de penser et l'isole pour qu'il ait le temps de se calmer.

15h30, sur la cour, les CE2 attendent, plus ou moins rangés. Mimi pleure bruyamment. Je ne m'occupe pas d'elle : la classe est survoltée et commente l'événement à tout va ; je veux traiter cette situation avec toute le groupe. Nous avançons et j'entends dans mon dos Mo qui agit comme à son habitude en caïd des bas-fonds : "La prochaine fois, tu lui fous un coup de pieds dans la b*te, faut que ça saigne et..."
Il n'a pas le temps d'achever : je l'attrape par le col, reste en arrière avec lui et lui dis ma façon de penser. Il nie tout en bloc. C'est une habitude.

15h35, nous sommes en classe. Je parle aux enfants. J'explique ce qui s'est passé. J'indique que, bien évidemment, les parents seront mis au courant de ce qui s'est passé et que Mimi devra remplacer le T-shirt acheté par la mère d'Ad, qui ne lui a rien fait, à Mimi, non ?
J'évoque une nouvelle fois de la spirale de la violence, fais remarquer à Mar qu'on a ici un exemple type de ce dont on a parlé ensemble à 12h45... et fait un discours plein de fougue et de conviction sur la classe que nous devons construire, une classe de paix, de bienveillance, où il fait bon se retrouver, où on s'entraide, où on ne se moque pas... Mais que ça, on n'y arrive pas grâce à la maîtresse qui surveille bien, mais grâce aux enfants qui agissent ensemble dans ce sens.
Silence impressionné (j'aime à le penser).

15h50, je fais copier les devoirs pour la semaine suivante et préparer les cartables, comme au CP, avec la pile du matériel sur chaque table. On n'aura le temps de rien faire d'autre avant 16h15 !!!
Zozo ne sort pas son agenda. Zozo ne copie pas. Il sait qu'il ne quittera pas la classe tant qu'il n'aura pas obéi : il faut absolument qu'il comprenne qu'il ne sera pas le plus fort ici ! Il tente néanmoins de faire son sac en douce, laissant l'agenda dans sa case.

16h20 : Je vérifie à temps et constate qu'à aucun moment depuis la rentrée, Zozo n'a noté le travail donné à la bonne date ! Je le mets à la bonne page et le mets au travail tout en faisant sortir les autres. C'est le moment que choisit une ancienne mère d'élève pour venir me parler de sa fille, des affaires qu'elle voudrait récupérer, de la nouvelle maîtresse qui est tellement moins bien. "Mais là, je vous dérange, hein ?" Bah, oui, en fait !

Il faut absolument que je chope Madirlo pour lui parler d'Ad et son T-shirt, et surtout de Mo, qui n'est encore au courant de rien.
J'arrive à l'arracher aux quelques parents papoteurs (il y a réunion de rentrée pour les dernières classes ce soir). Elle me dit que la mère de Mo sait qu'elle doit le chercher elle-même ce soir et qu'on a à lui parler...

16h40, arrive le père de Mimi à qui j'explique l'affaire. Il est d'accord pour remplacer le vêtement et parler avec sa fille. Il me confie qu'ils ont déjà rencontré ce type de problème avec elle...

17h00, arrive la mère d'Ad. Rebelote. Elle est soulagée de savoir que ce n'est pas lui qui a initié la bagarre (euh... ouaih, si on veut). Je lui explique le coup des tors partagés - quand même - mais ne manque pas d'encourager son fils qui est très attachant et en profite pour toucher un mot des difficultés de lecture et d'écriture qu'il semble rencontrer : l'orthophonie, ce serait bien qu'il continue cette année...

17h45, je téléphone à Monfiston pour lui demander d'aller chercher sa soeur à l'école : vu comme ça s'annonce, je ne pense pas être à la maison avant... 18h30 ?

18h00, c'est la grand'mère de Zozo qui vient le chercher. Elle constate en vérifiant ses affaires (elle le connaît) que les devoirs ne sont pas notés pour la semaine prochain : AAARRRGGGHHH ! Je dois courir à droite à gauche pour trouver l'agenda de référence, copier ce qui manque vite fait tout en écoutant la mère-grand qui raconte sa vie et s'inquiète de son petit-fils (bah tiens !). Entre temps, la mère de Mo est arrivée à son tour et Madirlo lui parle en aparté pendant que son fils attend qu'on l'appelle.

18h10 : J'arrive à me libérer de la famille Zozo et rejoints Madirlo dans son bureau, avec Mo.
Elle dit à l'enfant qu'à partir de ce soir, il ne fait plus partie de Notrécole, parce que nous n'avons pas réussi à l'aider, qu'il a franchi trop de limites et que son contrat est resté sans effet. La mère pleure. Je la réconforte comme je peux, lui tends des mouchoirs pendant que Madirlo essaye d'expliquer à Mo qu'il a une bonne mère, qui s'occupe bien de lui. Qu'elle va être aidée par quelqu'un pour trouver un endroit où on saura le faire grandir dans le bon sens. Et qu'il faut qu'il saisisse sa chance dans ce nouvel endroit.

18h30, Madirlo me demande de faire la surveillance "à la porte bleue" pour l'aider : la personne dont c'est la charge habituelle est malade. Pendant notre rendez-vous, c'est une surveillante d'étude qui a opéré, mais elle devrait être partie depuis 30 min. OK. De toutes les façons, mes enfants se débrouillent à la maison... et ce soir dans Notrécole, c'est réunion de rentrée, je te rappelle... des élèves circulent encore, attendant leurs parents qui s'informent auprès des enseignantes.

19h00, les derniers s'en vont. Je téléphone à Mamoitié pour la tenir au courant des dernières nouvelles du front. Au fait, lundi, on a notre grande réunion de fin de RECHERCHE-ACTION sur le dire-lire-écrire et on ne s'est pas réparti les slides du diaporama ! Hop, voilà qui est fait !

19h30, on tape un bout de discute avec Madirlo et les deux instit. qui sortent de réunion... Oups ! Qu'il est tard !

19h45, j'arrive chez moi... euh... j'ai comme un coup de barre, là !

samedi 25 septembre 2010

Chronique d'une journée ordinaire - suite

10h40, la récréation s'est un peu prolongée : Madirlo m'interroge sur l'avenir de Mo... Doit-on vraiment poursuivre l'expérience, alors qu'il fait fi de son contrat dès les premières minutes ? Doit-on laisser Ham s'engloutir dans cette relation destructurante ? Doit-on laisser la classe se déliter davantage, alors que, vraisemblablement, Mo n'embraye pas, même quelques instants, dans une autre direction ?

Nous rentrons en classe. Obtenir le calme à cette fin prend déjà plusieurs minutes. J'envoie Zozo chercher son T-shirt, laissé sur la cour : on n'entre pas en classe en "marcel". Les minutes filent et il ne revient pas : il faut prévenir quelqu'un, savoir où il se trouve ; je ne peux pas laisser les autres...
Heureusement, il réapparait. Se rappeler de ne pas l'envoyer seul en "mission"...
Nouvelle colère de Al à qui j'ai encore refusé une faveur inopportune (je le fais exprès ?). Nouveaux ricanements de Zozo. Nouvel avertissement, tout en remettant fermement Zozo face à sa table.
Troisième victoire de la journée : à nouveau, Al prend sur lui et se joint à nous, participe au cours de conjugaison, reprend pied.

11h15 : Petit entraînement de conjugaison, puis synthèse écrite dans notre "cahier mémoire". C'est le moment que choisit Doudou pour s'effondrer. Je connais ses découragements. Je tente de le remettre en route, mais pour l'instant, la communication est impossible. Je repasserai plus tard pour une autre tentative. Doudou est orphelin de père et de mère. Il est gravement malade. Il porte lourd. On ne peut pas trop tirer sur la corde...

11h45, ça sonne, mais ne sortent que ceux qui se sont mis au travail suffisamment vite pour avoir fini leur copie. Les autres restent et terminent. Je négocie avec certains, pour qui l'écriture est un calvaire (dyslexiques...).
J'en profite pour avoir un entretien avec Mar : il a eu une altercation avant d'entrer en classe avec Jorja, l'a poussé dans les pissotières puis l'a tappé. Petit débriefing sur la situation, à froid. Je lui décris la spirale de la violence et cherche à lui apprendre comment la dégoupiller...

12h00, j'aperçois le "cahier mémoire" de Doudou, abandonné sur sa table : son propriétaire a filé sans demander son reste. Le cahier est lacéré : le protège-cahier est fichu, l'illustration de couverture qui se trouve en-dessous est déchirée et la leçon n'est pas copiée... Aïe ! J'appelle Doudou sur la cour. Il vient avec un air piteux, un gentil sourire et une tête d'ange.

Je prends le temps de parler en tête-à-tête avec lui : il m'avoue sa colère. Pas contre moi. Pas contre son cahier. Contre lui-même, parce qu'il n'a rien compris, parce que c'est trop dur...
Je lui réexplique toute la leçon du matin, avec des mots simples et imagés. C'est bon ? C'est bon. Et la leçon, tu peux la copier ? J'sais pas... Regarde : la première phrase, elle se termine là. Tu peux ? Oui. Et la seconde, ici ? Oui. Et l'exemple en-dessous ? J'sais pas. Bon, va pour les deux premières phrases, après c'est toi qui vois.
Il a copié sans soucis. La tempête était passée.

Il est 12h25, et je n'ai pas encore eu le temps de voir Monanciennemoitié, en visite pour le déjeuner...

12h30, repas en équipe, comme d'hab. On raconte nos guerres et nos victoires...

13h00, une surveillante de cour ouvre à la volée la porte de la salle des maîtres pour annoncer qu'il y a une violente bagarre qu'elle n'arrive pas à gérer. Devine... C'est Mo et un élève de CM2. Il faut s'y mettre à deux pour les séparer. Le temps de cantine a été infecte.

13h15, je conviens avec Madirlo qu'il faut statuer dans l'urgence sur le cas de Mo. Je prends donc sur le temps de soutien pour téléphoner à Mamoitié et avoir son avis sur la question. Puis interroger Notrepsy, qui a justement eu un entretien avec Mo le matin même.
Cette dernière est catégorique : cet enfant relève indubitablement d'un internat éducatif et elle s'étonne que les services sociaux l'aient orienté vers Notrécole. Justement, l'assistante sociale en charge de son cas doit passer à 14h pour faire le point avec Madirlo sur les enfants de Notrécole qu'elle suit.

14h00, je rencontre l'assistante sociale, à qui Madirlo a déjà exposé la situation. Je lui dis nos doutes, sachant qu'un contrat sur trois semaines avait été préparé : sommes-nous cohérents en l'excluant définitivement après une seule journée ? La séparation ne risque-t-elle pas d'être destructrice pour Mo ? Je transmets là les interrogations que je partage avec Mamoitié : nous sommes prêtes à en baver des ronds de chapeaux quelques jours encore, si c'est mieux pour Mo, pour préparer son départ...
L'assistante sociale m'arrête : Notrécole était une carte que les services sociaux ont jouée. Les résultats ne sont pas là et ce, dès le premier jour. Ce n'est donc pas la bonne adresse pour Mo, inutile de tergiverser. Mieux vaut agir vite, et qu'il perçoive nettement qu'il a rencontré un mur !
Soit.

Je ne suis pas encore rentrée en classe pour l'aprèm...
Les CE2 attendent en ordre dispersé devant la porte. Des disputes se forment, il faut agir vite avant que ça dégénère.
Suite demain.

vendredi 24 septembre 2010

Chronique d'une journée ordinaire

Arrivée à 8h15 : je suis responsable de l'accueil du matin, sur la cour, jusqu'à 8h30.

8h20, tout en surveillant les premiers arrivés, entretien avec la responsable d'internat de mes "petites". Ça semble aller plutôt bien, côté filles. Quelques rivalités habituelles, mais rien de grave. Le responsable garçon a l'air plus fatigué. Des remaniements dans les unités sont prévus pour la semaine suivante.

8h25, la mère d'Ann, malentendante, voudrait me parler pour que j'essaye une nouvelle fois le système VHF permettant à sa fille d'entendre ma voix directement dans ses appareils auditifs. C'est le troisième essai. Elle me rappelle que je dois éteindre l'appareil si je veux parler en aparté avec un élève puni, ou si je vais... aux toilettes pendant la récréation : être dans deux espaces différents n'empêche pas les ondes de circuler :o)

8h30, la cloche sonne. Je dois déjà agir avec la plus grande fermeté pour que les CE2 se mettent en rang. Il y a, dès le matin, des tentions entre plusieurs enfants : nous sommes vendredi, et l'internat est un système en vase clos...
Doudou vient me voir alors que j'attends que les élèves se rangent. Il m'annonce que quelqu'un lui a lancé un marron. Je lui demande qui ? Mais l'émotion de l'agression est déjà trop forte pour qu'il continue à me faire face. Sans répondre, il quitte le rang et va se réfugier entre les poubelles et les toilettes. Heureusement, Lamaîtressed'aide, qui avait proposé de passer une partie de la matinée en coanimation dans ma classe, gère la situation pendant que je fais avancer le rang.

8h35, nous entrons en classe et les rituels se mettent en place : appel, minute de silence, calcul mental, phrase de dictée guidée...
Tout ça demande beaucoup de temps, d'énergie, mais grâce à la présence de Lamaîtressed'aide, on avance tant bien que mal. Elle est ici pour veiller spécialement sur Mo, de retour d'une mise-à-pied de deux jours.
In peto, je me vois avec un tabouret dans une main, un fouet dans l'autre, et la peau de bête au travers de la poitrine.

[Aparté :
En concertation lundi matin, nous avions décidé que Mo allait faire l'objet d'une période probatoire : nous nous donnions trois semaines pour savoir si nous étions capables de le faire sortir de sa toute-puissance infantile. Il devait travailler en tête à tête l'après-midi même avec Lamaîtressed'aide, afin de déterminer sur quels points il allait porter son effort. Elle rédigerait avec lui un contrat de comportement, qui serait visé chaque fin de semaine par l'enseignante et signé par les parents.
Malheureusement, dès l'après-midi, il a été insupportable en classe et s'est vengé des remontrances de Mamoitié en se jettant, pieds en avant et à cinq reprises, sur la porte extérieure de la classe dans le but évident de la briser. Qui l'a suivi dans cette entreprise ? Zozo, bien sûr ! Et ils s'enfuyaient à toutes jambes quand Mamoitié essayait de trouver les coupables.
Quand elle a fini par les surprendre avant qu'ils ne se carapatent, Zozo a courbé l'échine, mais Mo s'est enfui. Mamoitié, changée en dragon cracheur de feu (très impressionnant !), l'a rattrapé et lui a demandé des explications. Il a tout nié en bloc et l'a traitée de menteuse. Lorsqu'elle a voulu qu'il la suive chez Madirlo, il s'est débattu, l'a griffée et pincée tout le long du trajet.

Dans Notrécole, quand un enfant est violent envers un adulte, la réponse est immédiate et sans appel : mise-à-pied de deux jours. C'est une limite infranchissable. Pas de négociation. Aussi, lorsque la mère est arrivée le mardi soir pour son rendez-vous avec Madirlo et toute l'équipe jour/nuit s'occupant de Mo, elle a été mise au courant de la période probatoire ET de l'exclusion provisoire prenant effet immédiatement : elle est repartie avec son fils !
Fin de l'aparté].

Ce vendredi matin, donc, Lamaîtressed'aide a pris le temps de relire son contrat avec Mo avant que les activités ne commencent. Puis elle est restée presque constamment à ses côtés pour le recentrer sur la tâche, discrètement mais fermement.

9h15, elle quitte la classe : un groupe d'élèves en difficulté en CE1 attendent qu'elle vienne s'occuper de lui.

9h17, je remarque que Mo a une feuille pliée en quatre dans les mains, à peine camouflée par la case : il s'agit d'un pétard. Correctement manipulée, d'un coup sec vers le bas, la feuille se déplie produisant une détonation. C'est un des jeux préférés de Mo : actionner ses munitions quand l'enseignante a le dos tourné, et inciter les autres à le suivre dans cette voie, afin de brouiller les pistes et d'asseoir son autorité de meneur. Je lui demande de mettre ses mains sur la table.
Ham, enfant fragile et instable, est fasciné par Mo. Je n'arrive pas à le mettre au travail. Il est sous son emprise et attend les ordres.

9h30, alors que j'ai déjà sollicité Mo plusieurs fois pour qu'il travaille, j'entends un claquement sec : un pétard a été actionné. Mo accuse immédiatement Ham, qui entre dans une fureur désespérée et clame son innocence. Ils ont tous les deux des munitions dans leur case. Je les emmène auprès de Madirlo pour qu'elle gère l'affaire. Ham hurle à la mort ; Mo arbore son air de victime offensée. Je prends le risque de laisser ma classe sans surveillance pendant 3 minutes, et reviens en courant ("Elle arrive !!!").

9h40, le cours reprend, l'ambiance est électrique. Al fait une colère parce que j'ai refusé d'accéder à une de ses demandes (jouer aux cartes, aider en maternelle, que sais-je... ça n'était pas le moment). Il commence à éparpiller ses affaires, à shooter dans son sac, à s'installer dans un rayonnage de l'étagère, en position foetale. Je décide que je ne peux plus perdre du temps à négocier : je le place en face de ses responsabilités, lui laissant le choix de pourrir la situation en poursuivant dans son caprice de 2 ans, ou de maîtriser sa colère, la mettre dans sa poche et reprendre les activités avec nous. Ca tombe bien : je viens de changer mon fusil d'épaule et fait faire à tous les enfants des exercices de relaxation. Bon sang, que ça fait du bien !
Al, dont je ne m'occupe plus, reviens parmis nous : 1ère victoire de la journée ! Il a réussi a s'arracher aux ricanements de Zozo qui vient se moquer jusque sous son nez, et à reprendre pieds dans son "métier d'élève".
Je profite de ce temps de rémissions pour une lecture plaisir que tous apprécient : c'est une seconde victoire ; un temps partagé, sans histoires, sans regards noirs, sans tentions...
Ca sonne !!!
Récré !
...
...
Je n'ai fait que le quart de la journée et suis déjà entamée.
On est vendredi et il n'est que 10h10.
La suite demain.

mardi 21 septembre 2010

Nange...

Ami Lecteur, sache que j'ai un Ange Gardien. Un vrai, qui prend son boulot très à coeur.
Par exemple, dans l'effrayant bazar himalayesque qui couvre le bureau de Madounette, avant même que j'ai eu le temps de farfouiller, voire même de scruter, il me fait poser la main sur le rapporteur dont elle a impérativement besoin pour le DST du matin, là, maintenant, tout de suite, alors qu'elle est en retard pour partir au collège, panique totale, angoisse maximale...

Ou bien encore, le jour où je tombe en panne sur l'autoroute, il pousse doucement ma voiture en roues libres jusqu'à l'espace protégé, là où se trouve le téléphone d'appel. Et que ça tombe rudement bien, vu qu'il pleut à verse.

Ou bien même, parfois, il m'envoie des petits messages discrets quand il voit que je suis vraiment au bout du rouleau... comme la fois où, alors que je perdais pied, un bus est passé juste devant moi sur lequel était marqué "Tu ne couleras pas".

C'est un ange gardien qui ne m'évite pas les épreuves de la vie, mais qui les adoucit, comme un ami qui vous met la main sur l'épaule pour vous assurer de son soutien.
Et puis, comme il m'aime bien, vu que je suis au centre de son job depuis maintenant une quarantaine d'années, il veille attentivement à ce que je ne devienne pas orgueilleuse.
...
Tu sais, Ami Lecteur, que quand on est enseignant, à fortiori quand on enseigne principalement la langue française, on met un point d'honneur à ne pas faire de fautes d'orthographe. On se relit. On vérifie dans le dictionnaire en plus du correcteur orthographique. On relit même les textes des autres. On devient une sorte de spécialiste reconnu.
...
Et on pourrait en tirer une certaine satisfaction, dans ce monde de grande approximation linguistique.
...
Par deux fois, mon Cher Ange Gardien m'a rappelé que je suis bien peu de chose, même dans ce domaine.
Oh, il a utilisé des moyens très simples...
...
Il y a un certain nombre d'années, alors que nous recevions pour une fête une quarantaine de personnes à la maison, l'un des derniers invités m'a dit en rigolant :
- J'ai cru que je m'étais trompé d'adresse : sur la grille d'entrée, il y a marqué "La sonnette ET à gauche de la grille"... Une maison d'instit.!
... J'avais collé cette indication huit ans auparavant.
...Des générations de facteurs, d'amis et de passants avaient pu remarquer la honteuse FAUTE d'orthographe...
MISÈRE.

Attends ! Ça n'est pas fini !
Il y a trois jours, alors que j'évoque la bannière de ce blog avec mon mari qui ne passe jamais par ici, je la lui lis. Et là ! Je m'aperçois avec horreur que dans ma phrase introductive, j'ai écrit "prof. des ÉCOLE_" !
De juin (date à laquelle j'ai changé cette bannière) à septembre, environ 4.520 visiteurs sont passés par ce blog.
...
J'vais me cacher.
Adieu.
Je ne mettrai plus que des images à cette adresse.
Moins risqué.
Merci, Mon Ange ! C'est réussi !

(Pourvu que je n'aie pas fait de fautes d'orthographe dans cet article !!!)
:o)

dimanche 19 septembre 2010

Mo

Mo, nouvel élève de notre classe de CE2, me donne l'impression de faire une rentrée de CM2, année difficile...
Mo veut TOUJOURS avoir le dernier mot et marmonne dans sa barbe, surtout quand je suis très en colère après lui, campant sur ses positions.
Mo regarde les autres et pouffe PENDANT que je le gronde fort fort sur le mode décollage de cerveau / tsunami puissance maximale.
Mo, trois semaines après la rentrée, dicte ses ordres aux grands du CM2 qui posent déjà des problèmes.
Mo passe dans la cour de récré et, touchant la tête de certains marmots de Grande Section, leur susurre à l'oreille :
"Toi, t'es dans ma bande, personne te touchera ici !".
Mo a tenté de taper Manouvellemoitié qui a fort heureusement attrapé sa main avant qu'elle n'atteigne son but et lui a proprement remis les idées en place...
Mo organise des "missions" d'expédition dans le jardin jouxtant la cour de récréation et dont l'accès aux élèves est, si ce n'est interdit, du moins fortement réglementé.
Mo répond à la Directrice, même quand de la fumée lui sort des oreilles.
Mo, puni dans le bureau de la dite Directrice, alors qu'elle s'est absentée deux minutes et que le téléphone sonne, interpelle la secrétaire pour qu'elle réponde sans tarder.
Mo se moque quand un autre élève se faire reprendre par un adulte.
Mo explique à ses copains que se faire gronder, c'est pas grave, y'a qu'à se marrer.
Mo travaille quand ça l'arrange.
Mo a une colonne vertébrale qui ne doit pas lui permettre de se tenir face à sa table : il est toujours tourné vers l'arrière.
Mo va impunément fouiller dans la trousse de son voisin, l'accusant de lui avoir volé son matériel : pauvre Juju, doux agneau qui n'ose même pas moufter !
Mo, si on le cherche, se lève de sa place, traverse la classe et colle une baffe à la coupable.
Mo déroge impunément à toutes les règles édictées par la classe elle-même.
...
Mais Mo dit qu'il veut rester dans cette école.
Parce qu'on ne l'y laisse pas faire n'importe quoi.
Parce qu'on le punit.
...
Qui va céder le premier ? 
Pas sûr que, cette fois-ci, on y arrive.

jeudi 16 septembre 2010

échange épistolaire

Petit échange de mails avec Manouvellemoitié, ce soir :
Elle m'écrit :
Alors tu survis… j’ai lu ton blog et dis donc je m’y suis crue !!!! j’ sais pas qui est ton mi-temps mais elle a beaucoup de courage !!!!
Trêve de plaisanteries, j’espère que tu vas bien, courage plus que demain…
Bises
Tanouvellemoitié

Ma réponse :
Oui, je survis.
Le jeudi est "plutôt" un bon jour...
Le vendredi, je pense qu'il faut que j'invente mon après-midi radicalement autrement. Par exemple, faire le cartable et noter les devoirs en début d'aprèm. ou en tous cas avant la récré de l'aprèm. et faire qqchose le dernier quart de journée de vraiment détendant, sans consignes générales...
Aujourd'hui, j'ai su gérer :
K qui ne maîtrise pas ses émotions
H qui ne veut pas travailler, qui a ses humeurs et le faire savoir en balançant sa trousse par terre,
O qui est une éternelle victime et un fin délateur,
Zozo qui fait des batailles d'encre avec M dont le cahier et les vêtements ne s'en sortiront pas indemnes,
Mo qui veut absolument avoir le dernier mot,
Al qui ne veut pas rentrer parce que, vraiment, il est trop énervé,
L qui préfère jouer plutôt que travailler,
A qui se ballade et en profite pour provoquer l'un ou l'autre, histoire de voir l'effet que ça a,
J qui n'en peut plus de son voisin de table (merci, J, tu m'aides beaucoup en supportant cette place),
M qui...
Non, allez, j'arrête là, j'efface l'ardoise : il faut que j'ai un regard neuf demain matin.
Chaque jour.
Hein !
Big kiss
Mistinguette
PS : tiens, voilà un article de blog tout fait ! :o)

vendredi 10 septembre 2010

Un jour, Ami Lecteur, il faudra que je prenne le temps de te parler de notre Zozo.
Un sacré Zozo.
Dans le genre hors norme, intervenant à tors et à travers, tapant ou insultant les autres pour passer le temps, refusant que sa mère ne le touche, faisant le caïd et criant au travers de la classe, quand il n'est pas en train d'éventrer une cartouche ou de faire des pétards de papier dans sa case. Tout, sauf faire ce que demande l'enseignante. Même s'il faut juste sortir un cahier. Ou regarder une image...
Épuisant.
D'autant qu'il n'est pas seul dans son genre, le Zozo.
...
C'est sûr, quand on s'intéresse à sa courte vie, on comprend qu'il soit passablement perturbé, le cher ange. Et qu'il ait une image drôlement inconfortable du monde adulte qui l'entoure...
...
Mais bon, l'avoir en classe, c'est un pari de chaque instant, qu'on n'est jamais sûr de vraiment tenir.
Surtout le vendredi soir.
...
Et le lundi matin.
...
Et même les autres jours, d'ailleurs.
...
Quoiqu'il en soit, le Zozo, il m'a bien fait rire, vendredi dernier.
Il m'a dit, en plein cours :
"Au fait, maîtresse, j'ai complètement oublié de te dire mais je suis juif et aujourd'hui, c'est Shabbat alors je n'ai pas le droit d'écrire !"
Hahaha !
Bien essayé Zozo !
Trop bête que j'ai le minimum de culture qui me permette de t'affirmer sans la moindre hésitation que le Shabbat ne commence que le vendredi soir, après l'école !
;o)

mardi 7 septembre 2010

No comment.

Alors, Ami Lecteur, j'ai tout comme l'impression que, si tu es revenu lire ce blog avec plaisir voire enthousiasme...
Petite digression : [le logiciel de statistiques en témoigne... enfin, ni du plaisir, ni de l'enthousiasme, mais de la foule pressée qui se bouscule pour lire ces lignes !]
Fin de la petite digression.
... si tu es revenu lire ce blog, disais-je, tu en as toutefois oublié la règle principale. Ou bien peut-être fais-tu semblant de l'avoir oubliée et profites-tu de ces derniers jours d'été pour flemmarder encore un peu dans ce lieu virtuel et retiré...

Laisse-moi te la rappeler : ici, c'est donnant/donnant. Tu viens te délecter de mes déboires scolaires ; tu soupires de soulagement en remerciant le ciel de ne pas être enseignant/d'être enseignant dans une classe si tranquille ; tu lorgnes, un rien voyeur, les membres affolés/déconfits/démunis d'une école élémentaire dans laquelle tu ne peux habituellement pas pénétrer ; tu règles de vieux comptes avec tes instituteurs passés par le biais des souffrances enseignantes ici exposées... Tout ça a un prix !
...
Oh ! Pas grand chose.
Rien que tu ne pourrais te permettre.
Si peu...
...
Un petit commentaire de temps à autre.
Un rien, en somme ! Mais tellement pour moi, qui sue derrière mon clavier pour te donner le meilleur de moi-même !
Le commentaire, c'est la nourriture du blogueur. Si tu ne commentes pas, Ami Lecteur, je m'assèche, je maigris (et je n'ai pas beaucoup de marge...), et je pleurs (oui, bon, ça c'est pour t'apitoyer. Faut pas pousser quand même, hein !).
...
Voilà.
Je pense que tu as compris.
Y'a plus qu'à.
A vot'bon coeur.
Tout ça, tout ça.

lundi 6 septembre 2010

Gastronomie scolaire

Ami lecteur, je vais encore t'halluciner.
Si, si.
Absolument.
J'ai d'ailleurs commencé par être moi-même hallucinée.
C'est bien la preuve.
Bon. Passons aux faits :
Tu te rappelles qu'en juin, je t'ai fait part d'un repas exceptionnel ? C'était déjà une aventure gastronomique unique en milieu scolaire, tu en conviendras.
Et bien, nous avons fait mieux encore.
Tu ne devines pas ?
...
...
... La prof d'Anglais est Ukrainienne.
... Pays limitrophe de la Russie.
... Ça devrait te mettre sur la voie, non ?
...
ELLE NOUS A RAPPORTÉ DU CAVIAR POUR LA RENTRÉE !
Hein ! Hein que tu hallucines pour de vrai ?

Voilà. Commencer son premier repas de l'année par du caviar, moi je dis que ça encourage. L'Éducation Nationale devrait peut-être songer à entrer cette ligne dans ses budgets : l'ambiance se réchaufferait d'un cran instantanément ! Sur du pain très frais, avec une goutte de vodka pour faire passer.
Allez, bon courage à vous autres, qui n'avez pas à gérer mes zozos de cette année, mais qui n'avez pas non plus les consolations gastronomiques qui vont avec ! :o)

(et mardi, c'est tiramisou maison fait par Manouvellemoitié pour son anniv. Pas mal non plus, dans un autre genre !).

mercredi 1 septembre 2010

Nous y voilà

Ami Lecteur, réjouis-toi.
Ce blog va être riche, cette année. Tu vas pouvoir y lire moults aventures et autres déboires pédagogiques. La grande aventure humaine de l'enseignement, avec ses vastes abysses, ses franches rigolades, ses crises de nerfs et ses petites victoires va t'être livrée gracieusement dans ces lignes.
Confortablement installé dans ton fauteuil club ou carré derrière ton bureau en mélaminé noir, tu vas pouvoir, jour après jour, trembler et sourire en regardant (virtuellement) s'agiter l'auteur de ce blog.

Qu'est-ce qui me fait dire ça ? Bah... hier, dans mon école, c'était la rentrée des élèves.
J'ai donc rencontré mes élèves.
Il en manque encore un tiers (ceux qui pensaient que la rentrée était jeudi : ils l'ont vu à la télé !... ceux qui rentrent de loin, plus tard, moins cher... ceux qui trouvent qu'une rentrée en août, c'est vraiment trop tôt...). Mais les deux tiers présents sont... comment dire... diablement intéressants ! Surtout un qui risque fort de hanter ce lieu fréquemment : j'ai déjà trois pages à en dire !

C'est hier donc qu'une phrase sibylline de Madirlo a tout à coup pris tout son sens : Lorsque nous nous sommes inquiétées, au cours de la pré-rentrée avec Manouvellemoitié, de cette classe dont la moitié est constituée de nouveaux élèves, boursiers pour la plupart, Madirlo a répondu avec un léger sourire et les yeux qui frisent : "Il y a de belles personnalités".

...

J'AI PEUR !!!