Il était une fois une ravissante petite fille aux yeux d'amande et à la peau mate.
Elle vivait dans notre belle maison d'école, dans laquelle elle apprenait à grandir le jour, et collectionnait les doux rêves la nuit.
Dès son tendre âge, les bonnes fées des l'ASE l'avaient mise là, avec son frère, et ils y passaient la semaine avant de repartir pour le week-end dans une gentille famille d'accueil, trop occupés les autres jours par leur grand fils handicapé pour les avoir à plein temps.
Et les parents de ces enfants, où étaient-ils, me demanderas-tu avec raison ?
La mère, elle est en prison. Elle a été condamnée pour meurtre. Elle n'a pas supporté l'annonce du remariage du père de ses enfants avec sa nouvelle amie, prête à enfanter. Elle s'est rendue chez eux, et a tué sa rivale et l'enfant à naître du même coup.
Elle paye pour ça.
Le prix fort.
Le père, il a été jugé trop dérangé pour s'occuper seul de sa progéniture. Les services sociaux lui ont proposé d'être accompagné. Il a refusé et fait un bras-de-fer avec l'administration, préférant ne pas voir ses enfants plutôt que d'être obligé de les voir selon des règles imposées.
Il passe chaque vendredi à l'internat déposer pour eux un grand carton de livres, biscuits, jouets et autres gâteries. Il prend des nouvelles des petits. Mais il ne peut les approcher, ordre du juge !
Cette enfant, cette beauté se nommait Lili. Elle avait un don : celui de prendre l'amour partout où il voulait bien se donner. C'est comme ça que je l'ai rencontrée : toute petite, quand elle m'apercevait à l'autre bout du hall, elle se jetait dans mes bras pour un câlin furtif entre deux allées-venues.
Une des rares enfants de maternelle que j'étais capable de nommer, moi, la maîtresse des grands CM2. Un lien de cœur nous unissait. Un lien qu'elle avait su tisser avec chaque adulte de Notrécole.
Et puis j'ai changé de niveau en même temps qu'elle : elle est montée, je suis descendue et nous nous sommes retrouvées en CE2. Petite fille studieuse et appliquée, souvent envahie de chagrin quand le vendredi approchait : sa famille d'accueil avait beau être gentille et pleine d'attention, elle ne remplaçait pas une maman trop lointaine (qu'elle a longtemps crue morte) et un papa présent/invisible...
Mais le reste de la semaine, une fillette lumineuse, souriante, avide d'apprendre et de partager. Un vrai plaisir.
Mafillotte, du même âge, ne s'y est d'ailleurs pas trompée quand, un jour de grève, elle est venue dans ma classe : c'est avec elle qu'elle s'est aussitôt liée. Et c'est elle qu'elle a ensuite invitée à partager son anniversaire à la maison. La seule élève, en 20 ans, qui soit venue chez moi.
Après le CE2, la mère est sortie de prison, et ses enfants ont réappris, petit à petit, à la connaître, à la retrouver, à l'aimer... Quelle fierté dans les yeux de la belle Lili, le jour de la fête de l'école, quand elle est venue me la présenter !
Un an plus tard, les deux enfants quittaient notre école : le grand frère partant au collège, les services sociaux avaient tout réorganisé. La famille d'accueil acceptait de prendre les enfants à plein temps. Ils étaient scolarisés tous les deux près du domicile. La mère les voyait un week-end sur deux. La vie prenait un autre cours...
Nous étions triste. J'étais désolée de voir partir Lili. Elle a beaucoup pleuré. Mais elle commençait une nouvelle vie, plus "normale" ; pourquoi ne pas s'en réjouir ?
Nous avons eu quelques nouvelles l'an passé.
Tout allait bien.
Et puis, cet après-midi, l'affreuse nouvelle qui claque comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage.
Lili est morte ce matin.
Crise cardiaque au cœur de la nuit, après deux visites inutiles chez le médecin du quartier.
Et je pleure.
Pas trop : il faut consoler Mafillotte : première expérience de la mort, si proche, si incompréhensible, si désespérante.
C'est le moment de se raccrocher à ce qu'on croit si fort.
Tout n'est pas fini. Ca ne fait que commencer...
Lili...
23 commentaires:
Les mots me manquent ... Des tonnes de bisous.
Chère Mistinguette,
Je suis probablement de la "vieille école", et c'est probablement souvent mieux ainsi.
Les personnes qui s'unissent "pour le meilleur et pour le pire", ne le font plus pour toujours.
Je ne peux que plaindre les enfants, car il est très difficile de "changer" la nature humaine!
L'autre problème: la mort, on y est tous confrontés et ce n'est que dans les livres religieux que les saints sont éternels.
Amitiés
P.S. Il y a dix mille ans, il n'y avait pas d'écoles, les gens "travaillaient" (= chasser) une à deux heures par jour. Le partage de "tout" (je te laisse interpréter) était dans les mœurs. Mais, le revers de la médaille: ils mouraient jeune (dès qu'ils avaient pu transmettre leurs gènes, en fait).
Grâce à cette méthode de régulation des naissances, il n'y a pas eu d'explosion démographique pendant des millions d'années.
Je vais être vulgaire, désolée. La vie est une salope!
Bon courage pour ta fille, c'est pas facile de découvrir la mort de cette façon (même si la mort n'est jamais vraiment facile).
Ooooh
Gros gros bisous...
A toi, à ta fillotte!
...
yann
> A tous
Merci
> Armand
Je pense que les saints sont éternels, et pas que dans les livres.
Et c'est une bonne nouvelle.
:o)
Oh la vache! :-(
J'en reste sans voix.
Oooooooooh...
Quelle horreur, quelle tristesse...
:-(
En 2013 ???
Trop de choses pour ce petit cœur...
Moi aussi je reste sans voix.
Soupir....
C'est très triste
Mais tu lui rends un bel hommage, Mistinguette.
Magali
C'est terrible.
"C'est le moment de se raccrocher à ce qu'on croit si fort.
Tout n'est pas fini. Ça ne fait que commencer..." Oh oui!
Un jour, à 17 ans, confrontée à une disparition aussi brutale, on m'a dit "pense à elle. Toutes les joies qu'elle a vécues, ce n'est rien par rapport à l'émerveillement qu'elle connaît maintenant. Elle est pleinement heureuse.".
J'ai eu beaucoup de mal à entendre cela à l'époque. Mais plus de 20 ans après, c'est resté.
Lili...
Et ceux qui restent...
Bon courage à vous tous...
J'ai la pluie au bord des yeux, là !
La mort d'un enfant laisse désemparé.
J'ai vécu ça deux fois en tant que maîtresse : un petit vaincu par un cancer, et un accident tragique.
Difficile de gérer le chagrin des enfants, sa propre douleur, les questions parfois sans réponses...
Et moi je n'ai pas le soutien de la foi pour aider un peu.
Plein de bisous à toi et à ta fillote.
Quelle tristesse!! J'en suis toute retournée... Je pense à toi, à ta fille et à la famille de cette petite Lili si vite partie.
Effectivement le Dinosaure la vie parfois est une salope et nous laisse sans souffle. Triste.
Quand au message d'Armand....profiter d'un billet sur la mort d'une petite fille pour "regler des comptes" et faire du militantisme athée c'est nul. N'avez vous pas de coeur monsieur?
Plein de courage à toi, ta fille, tes collègues...
Pauvre petite, quelle vie... Et son frère!
Je pense bien à toi.
> Tsiporah
Ne te fâche pas, Tsiporah, ça n'est pas le lieu... ni le moment.
Je lis le commentaire d'Armand, et je souris : il arrive que nous ne soyons pas sur la même planète... quelle importance ?
Merci pour ton soutien.
> Zozo, Mimi, Magali, Tili, Loulou, Isabelle, Anne, la MdesP, Merci aussi.
Que vous soyez croyante ou non, je vous le dis : j'ai gagné une précieuse alliée au ciel, et ma fille avec moi.
Et ça, malgré tout le reste, les larmes, les regrets, l'amertume et la douleur, c'est bien.
zut.....bel hommage, en effet. Heureusement que les souvenirs sont là pour nous aider à faire "revivre" les êtres aimés.
eh beh... desolée pour vous tous. Ca rend triste les histoires comme ca !
j'espere vous voir bientot, autour d'un tricrochethé et d'un gouter, ou juste comme ca. ;)
Ma Ninette
Mais qu'elle horreur la destinée de cette enfant ! Heureusement qu'il y a le soleil que tu racontes, à l'école...
> Maninette, Lacrapeaudine, Mamyvette,
Merci à toutes les trois.
;o)
> A tous...
Lili est enterrée ce mardi à 15 heures.
J'y serai.
Autour de moi, certains s'inquiètent : le père, fou de rage contre la terre entière (plus encore que d'ordinaire) ne risque-t-il pas de faire un coup d'éclat pendant la cérémonie ?
Je ne veux pas y croire.
Pensez à moi...
Pensez à elle.
si jeune
et déjà le cœur brisé...
> Coline
Je ne crois pas qu'il soit brisé : je le sens battre doucement tout contre moi.
Mais je crois qui s'est donné à plein régime pendant onze ans... Qui peut en dire autant ?
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