Ça commence par une situation anodine : la mère de H. téléphone pour s'assurer que son fils est bien parti de l'école à 15h15, heure de sortie, les jours de soutien, pour les élèves n'en bénéficiant pas.
Elle s'inquiète parce que c'est la première fois qu'il rentre en totale autonomie : d'habitude, quelqu'un l'attend à la maison. Ce jour-là, il a la clé autour du cou. Il est quatre heure et il semble qu'il ne soit pas encore arrivé.
On la rassure : oui, il est bien parti vers 15h15, mais peut-être n'est-il pas rentré en droite ligne à la maison, sachant que personne ne l'y guettait.
Peut-être a-t-il fait un petit détour pour rester plus longtemps avec un copain rentrant seul aussi.
Peut-être a-t-il profité de ce nouvel espace de liberté pour batifoler dans le quartier : il reviendra à l'heure présumée du retour de la mère...
Peut-être...
A 17h00, l'inquiétude est franchement installée. Toujours pas signe de vie du gamin.
Il faut dire qu'il s'agit d'une famille particulière. Évidemment. On fait collection des familles particulières, dans mon école.
Celle-ci compte en tout et pour tout deux personnes :
La mère, seule, environ 45 ans, exerçant une profession libérale dans le quartier. Bien élevée ; petite bonne-femme un peu BCBG ; discrète ; lunettes et tailleur ; soucieuse de son enfant. Elle nous l'a amené l'an passé, en Janvier, pour échapper à son ex-école où on le casait trop souvent en CLIS (classe spécialisée accueillant des enfants handicapés) sous prétexte qu'il ne parlait pas le français...
Et puis le garçon, arrivé d'Amérique du Sud depuis seulement un an et demi. Adopté là-bas à 10 ans. Ayant vécu toutes ses premières années dans les rues. Supérieurement intelligent. Pour vous dire : l'année dernière, déjà en CM2, on adaptait les apprentissages pour lui. Cette année, on l'a gardé pour qu'il complète ses acquis de primaire : il fait un CM2 normal et s'en sort mieux que la plupart de ses camarades de langue maternelle française !
Il est hyper poli, serviable, gai, sérieux, bon camarade... le bonheur.
...Jusqu'à ce qu'on apprenne que ça mère avait déjà eu un signalement pour maltraitance, dans les toutes premières semaines de l'arrivée du garçon...
Elle nous a juré ses grands dieux qu'elle avait fait l'erreur de sa vie, à ce moment là. Qu'elle avait été débordée. Qu'elle n'avait pas su prendre le recul nécessaire, mais que jamais une pareille horreur ne se reproduirait. Bon.
Et puis un jour, il y a environ deux mois, H. nous a dit que, ce soir-là, il ne rentrerait pas chez lui parce que sa mère était trop violente, qu'elle le tapait avec une ceinture, le gardait enfermé dans sa chambre des journées entières pour qu'il travaille, lui tirait les oreilles et que sais-je encore...
On a convoqué la mère pour lui apprendre qu'on allait lancer un second signalement, parce que vraisemblablement, elle avait fort besoin d'être aidée.
En pleurs.
Ce n'est pas elle.
Il affabule.
Il manipule.
Il est spécial. Elle ne sait pas quoi faire.
Qu'ils viennent, les services sociaux : ils verront bien !
On a apaisé, parlé aux uns et aux autres, cherché des solutions.
Les choses semblaient s'être calmées. Et puis jeudi, H. me lance mine de rien qu'il n'a pas fini son travail parce que ça s'est mal passé avec sa mère. Bon.
Tout semble pourtant calme. Rien ne permet de voir arriver la crise.
Mais vendredi, à 15h15, H. disparaît.
A 18h00, c'est la police et la brigade des mineurs qui prend le relais.
La tension monte. La mère est liquéfiée. Je suis ça par téléphone, déjà happée par un autre rendez-vous professionnel et puis ensuite ma vie de famille.
MaDirlo, elle, est toujours à l'école.
A 22h30, c'est de là qu'elle m'appelle pour m'annoncer qu'il a été retrouvé. Un passant s'est étonné de le voir errer seul à pareille heure et l'a ramené.
On n'en sait pas plus... la mère est trop atteinte pour expliquer. Je verrai bien demain.
...
Mais...
...
Ouf ! On l'a retrouvé !
4 commentaires:
Ouh la la oui le stress dis donc tu m'étonnes...
et ben... il s'en passe des choses ds ton école!!!!!!!
pas tjrs drôle hélas.
faut avoir les nerfs solides et pouvoir décompresser avt de rentrer chez soi.
C'est trop de stress ce boulot et parfois terrible. La misère humaine n'est jamais loin malheureusement.
Dieu merci, il t'arrive d'égarer les clés de la maison et là on rigole bien. C'te honte quand j'y repenses...
Magali
Comment comment comment ? Ma misère humaine à moi, elle te fait rigoler ??? Ah ! Bah ! C'est du beau !!!
;oD
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